Mon chemin

Le 3 Février 2006. Le long de la D951 reliant Sézanne et Épernay, dans la Marne, les arbres scintillent sous l’effet du froid. Chaque brin d’herbe, chaque buisson, chaque feuille est transformée. Nous roulons en convoi. La route, l’incinération dans la chapelle de l’hôpital, puis le soir la célébration où s’entremêlent les larmes et les rires… autant d’occasions de se remémorer les merveilles de Dieu, et la fidélité de mon père à sa Parole. Ce dernier ne nous laisse aucun bien matériel, mais un héritage bien plus précieux contenu dans ces deux questions : « Seigneur que veux-tu que je fasse ? » et « Que dit la Bible ? »  (Vous pouvez lire ici un hommage à mon père que j’ai rédigée à l’occasion d’un anniversaire de sa mort, également ici sur le blog de mon frère Paul)

Paradoxalement, la fidélité à la foi évangélique reçue de mes parents, et en particulier à ces deux questions, m’amène sur un chemin inattendu. Ma réconciliation avec l’Église Catholique – le terme de ‘conversion’ est impropre ici – n’a jamais été un rejet de mon héritage évangélique. Au contraire, je le chéris encore aujourd’hui. Il est ma richesse et ma fierté. Les intuitions premières de la foi protestante – par exemple la primauté de la grâce dans l’œuvre du salut, la place prépondérante de la Bible dans la vie de foi – sont justes[1]. Pourquoi alors suis-je devenu catholique ?

Tout commence en 1995 par un « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? » pendant un ‘culte personnel’[2] lors du service d’été à Paris. Ce jour-là j’ai le sentiment que Dieu dit « et si je te demandais de devenir catholique ? ». De quitter non pas ton pays, mais ta culture religieuse à laquelle tu es bien plus attaché ? J’y réponds par l’affirmative : si Dieu demande, qui suis-je pour refuser ? Je ne me précipite pas vers l’Église catholique, mais je commence tout de même à m’intéresser à ce qu’elle enseigne.

L’identité évangélique est – dans mon expérience – construite dans l’opposition à la foi catholique. Le nom même de protestant est marqué de cette confrontation. Mais je comprends petit à petit que mes objections à « Rome » reposent sur une illusion. L’accusation faite aux catholiques d’adorer Marie, ou de se prosterner devant des statues était fausse. J’imaginais la doctrine catholique construite au mépris de la Bible. Mais j’y découvre envers les Saintes Écritures une fidélité plus grande, en premier lieu sur la question de la Sainte Cène (ou ‘Eucharistie’). Je me targuais d’être au plus proche du texte biblique, mais sur cette question la foi catholique adopte une position plus littérale encore.

Je demande à Dieu de me guider. J’étudie les écrits des premiers chrétiens, j’assiste à la messe, je communie, et ce faisant, j’acquiers la conviction que l’Église catholique dit juste, sur le sujet. Mais si elle a raison sur ce point, pourquoi ne serait-ce pas le cas sur le reste ?  En voulant approfondir ma foi protestante, en voulant grandir dans la connaissance et l’intimité avec Dieu, et aussi en examinant attentivement mes présupposés et mes préjugés, je deviens catholique.

« Qu’ils soient un afin que le monde croie » (cf. Jn 17,20-26) : Notre zèle pour l’évangélisation ne peut faire l’impasse de la charité envers tous nos frères chrétiens. Le premier pas dans cette direction est de prendre le temps de se regarder en vérité, et notamment de comprendre ce que chacun enseigne réellement. Je ne demande pas de complaisance, seulement d’être juste et équitable. De faire abstraction des on-dit et des préjugés, des évidences trop facilement avalées. De prendre le temps d’écouter.

Le cœur de l’esprit dans lequel ce blog est écrit est là. Souvent, je pars d’objections protestantes contre l’Église Catholique glanées ci et là, qui servent pour expliquer la foi catholique et ses fondements historiques, logiques et bibliques. (NB : les objections choisies sont représentatives du milieu évangélique, mais ce milieu est divers : tous les évangéliques n’adhèrent pas forcément à chacune des objections).

Mon but premier n’est pas de convaincre, et encore moins de faire une bataille de versets, mais d’aider à découvrir plus encore l’amour merveilleux de Dieu pour nous. Dans cet esprit, je ne vous demande pas de prendre tout ce que je dis au mot, mais au contraire d’aborder ce blog en restant fidèle aux principes évangéliques, c’est-à-dire :

  • En priant une Bible à la main, avec une soif de comprendre ce que l’Esprit Saint veut nous dire à travers sa Parole.
  • En favorisant le sens du texte sur votre propre tradition interprétative, sur les interprétations que vous avez l’habitude d’entendre dans votre milieu.

Et ensemble, difficulté après difficulté nous nous poserons et reposerons la question : Que dit la Bible ?


 

[1] Pour une discussion plus détaillée – et plus étayée – de ce point, voir Du Protestantisme à l’Église, de Louis Bouyer.

[2] Un temps personnel de prière et de lecture de la Bible