L’annulation de mariage, un “divorce religieux ?”

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L’Objection : “Comment l’Eglise peut-elle d’un côté prétendre que le mariage est un sacrement indissoluble, et de l’autre annuler des mariages ? C’est hypocrite !”

Il existe plusieurs incompréhensions communes autour des nullités de mariage dans l’Eglise Catholique.

L’Eglise n’ “annule” rien

La première consisterait à considérer que l’Eglise *annule* des mariages. Il n’en est rien. L’Eglise, après un processus qui dure souvent plusieurs années, constate que les prérequis d’un mariage légitime étaient absents lors de la cérémonie, et donc que le mariage n’a pas réellement eu lieu. De ce fait il est incorrect de parler d’annulation, il s’agit d’une reconnaissance de nullité. Par exemple, imaginez (pour prendre des cas extrêmes) que l’un des époux soit en fait déjà marié, ou qu’il ne se marie que parce que sa vie est menacée : il n’y a alors, malgré la cérémonie, aucun mariage.

La déclaration de nullité révèle l’exigence chrétienne

La deuxième incompréhension consiste à voir dans la reconnaissance de nullité un laxisme ou une déconsidération du mariage. Or l’inverse est vrai : le mariage chrétien est d’une haute exigence, et la déclaration de nullité constate un manquement à ces prérequis. Il s’agit d’une procédure longue et exigeante, qui vise à éliminer tout doute sur la question, car « en cas de doute, il faut tenir le mariage pour valide, jusqu’à preuve du contraire. » (Canon 1060)

Le sacrement du mariage a de particulier que ce n’est pas le prêtre qui en est l’acteur (ou le ministre) et qui « fait » le sacrement, mais l’homme et la femme qui se donnent l’un à l’autre sous le regard de Dieu. Ils s’engagent comme Dieu aime, à savoir de manière libre, durable, fidèle et féconde

La procédure examine cet engagement pour déceler des carences graves, au jour de l’engagement. Elle ne se préoccupe pas de la qualité de la vie matrimoniale : un époux peut être maltraitant sans que le mariage soit pour autant invalide (même si la maltraitance peut être symptôme d’une cause de nullité présente le jour du mariage), et à l’inverse une déclaration de nullité ne rend pas caduque ce qui a pu avoir une valeur positive dans le couple. En particulier il n’impacte pas le statut des enfants.

Un engagement durable, fidèle et fécond

L’engagement du mariage est exclusif, et pour toute la vie, de sorte que si l’un ou l’autre des époux n’a aucune intention de rester durablement fidèle il ne s’engage pas réellement ; le mariage est alors inexistant. De même, s’il refuse l’ouverture à la vie – c’est-à-dire, dans le cas général, le fait d’avoir des enfants – le mariage est nul.[1] (NB: ce qui signifie absolument pas que le mariage d’un couple infertile est nul)

Un engagement libre et lucide

Le prêtre demande aux fiancés sur le point de s’engager : « est-ce librement et sans contrainte ? » L’Eglise tient en très haute estime la liberté humaine, et la contrainte ou le manque de liberté peuvent prendre bien des formes. Au passage, c’est précisément cette haute estime de la liberté qui pousse l’Eglise à recommander que soit respectée une certaine distance entre les fiancés. Voici quelques exemples d’entraves à la liberté à travers des situations concrètes :

a. L’immaturité grave

Les époux doivent disposer d’une maturité de discernement suffisante pour choisir librement et en pleine conscience le mariage et tout ce qui en découle.[2] Exemple : Un jeune couple de fiancés se présente à la préparation au baptême. Elle semble ne pas avoir d’avis propre, et change d’avis quoi que dise son fiancé.

b. Certains troubles psychiques

Certaines pathologies atteignent la liberté, au point de rendre la personne « incapable assumer les obligations essentielles du mariage » (à savoir : l’acte conjugal, le communauté de vie et d’amour, le soutien réciproque, la procréation et l’éducation des enfants). Exemple : Marcel se marie en étant atteint d’une bipolarité lourde, au point d’atteindre l’irresponsabilité légale, et en raison de cette maladie est alcoolique, violent envers sa femme et dilapide tout l’argent du foyer.

c. La contrainte violente

Quand le mariage est choisi pour échapper à la violence, si la violence n’est pas le fait d’un des époux, la liberté est gravement atteinte.[3] Exemple : Sonia a 22 ans, elle n’a que le baccalauréat. Elle vit chez ses parents. Son père est alcoolique et violent envers elle, sa seule issue est de se marier.

d. L’erreur sur la personne et la tromperie (ou « dol »)

L’engagement du mariage doit être pris en pleine connaissance de cause. Ainsi un époux qui dissimulerait une qualité grave que l’autre serait en droit de connaître et qui perturberait le objectivement la vie conjugale (MST, maladie grave, une addiction) porte atteinte à la liberté de l’autre de choisir le mariage.[4]

De même, une erreur sur l’identité de la personne épousée rend nul l’engagement. Une erreur sur une qualité essentielle de la personne a le même effet si cette dernière est directement et principalement visée par le consentement. Par exemple si un homme épouse une femme parce qu’il croit – à tort – qu’elle est la mère de son enfant, le mariage est nul. Dans le même esprit, une condition exprimée au moment de l’engagement sur un événement présent ou passé peut conditionner la validité.

La déclaration de nullité est donc une expression de la miséricorde de Dieu ? 

On pourrait croire que la procédure de déclaration de nullité est une expression de la miséricorde divine face à nos manquements. Ce n’est pas tout à fait exact. La déclaration de nullité ne vient pas combler nos manquements, elle les met en lumière. Il ne s’agit pas d’un acte de miséricorde, mais réellement d’un geste légal, qui relève de la justice.

Mais alors… c’est dur de se marier librement?

C’est mon expérience – après avoir vécu des préparations au mariage « des deux côtés de la barrière » – qu’il est trop facile de passer à côté de l’exigence du mariage chrétien. Une préparation au mariage défaillante ou trop légère n’aide pas les fiancés à s’engager librement, nous ferions bien de souligner la radicalité du mariage et les difficultés qu’il comporte, au risque de faire peur. L’Eglise tient avec une très grande estime notre liberté, cette humilité avec laquelle Dieu ne s’impose pas mais se rend dépendant de notre bon vouloir, de notre collaboration, est presque terrible au regard de ce que je fais, moi, de ma liberté.

Oui. Le mariage chrétien est difficile. Il est même héroïque, et au dessus de nos forces. Heureusement, il n’est pas contracté à deux, mais à trois, car quand je m’engage librement dans l’alliance matrimoniale Dieu s’engage aussi  et « avec Lui, nous ferons des exploits » ! (Ps 60, 12) Et alors Dieu vient au secours de ma liberté forcément défaillante, de mes forces en deçà de la tâche, il rend possible ce qui est difficile et en fait une oeuvre glorieuse qui rend manifeste son amour !

 

PS: Pour aller plus loin.. Si vous avez la chance d’être anglophone, je vous recommande fortement la lecture du blog “In the Light of the Law” qui aborde les questions de droit canon bien plus en profondeur et qui m’a donné goût à cette discipline.

 


 

[1] Can. 1101 – § 1. Le consentement intérieur est présumé conforme aux paroles et aux signes employés dans la célébration du mariage.§ 2. Cependant, si l’une ou l’autre partie, ou les deux, par un acte positif de la volonté, excluent le mariage lui-même, ou un de ses éléments essentiels ou une de ses propriétés essentielles, elles contractent invalidement.

[2] Canon 1105 :« Sont incapables de contracter mariage les personnes [qui] souffrent d’un grave défaut de discernement concernant les droits et les devoirs essentiels du mariage à donner et à recevoir mutuellement; »

[3] Canon 1103 : « Est invalide le mariage contracté sous l’effet de la violence ou de la crainte grave externe, même si elle n’est pas infligée à dessein, dont une personne, pour s’en libérer, est contrainte de choisir le mariage. » (1103)

[4] Can. 1098 – La personne qui contracte mariage, trompée par un dol commis en vue d’obtenir le consentement, et portant sur une qualité de l’autre partie, qui de sa nature même peut perturber gravement la communauté de vie conjugale, contracte invalidement.

 

 


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