Pourquoi accepter les “Apocryphes” quand le NT ne les cite pas ?

Le NT contient environ 260 citations directes, et 370 allusions aux livres inspirés de l’Ancien Testament. Lorsque Jésus ou les apôtres citent ou évoquent les livres de l’Ancien Testament, il est clair qu’ils les considèrent comme inspirés et canoniques. Le NT atteste donc l’autorité divine de l’AT, mais il ne contient aucune citation des livres Apocryphes. (via Just For Catholics, voir aussi GotQuestions)

Est-ce également significatif que les livres  d’Ezra & Néhémie, d’Esther, de l’Ecclésiaste et le Cantique de Salomon ne sont pas non plus cités dans le Nouveau Testament[1] ? Ou que Jude 14 cite le livre d’Enoch avec conviction (« Enoch a prophétisé »), alors qu’il n’est considéré comme inspiré ni par les protestants ni par les catholiques ?

Est-ce significatif que la plupart des citations suivent de préférence la forme de la Septante, qui contient les deutérocanoniques ?

Sans compter que certaines citations relèvent plus de l’allusion. Par exemple Matthieu 27,30 dit « Et ils crachaient contre lui, prenaient le roseau, et frappaient sur sa tête », qu’on peut voir comme allusion à Lamentations 3,30 : « Il présentera la joue à celui qui le frappe, Il se rassasiera d’opprobres. »

Le livre des Chroniques n’est pas cité directement mais Matthieu 23,35 fait référence à la mort de Zacharie qui y est racontée[2]. De même le livre des Juges n’est jamais cité comme étant de l’Ecriture[3], mais des personnages y figurant sont mentionnés dans Hébreux 11,32. Il en va de même des personnages de Ruth mentionnés dans la généalogie de Jésus.

Si ces allusions expriment clairement une conviction chez Jésus et les apôtres de l’inspiration des livres mentionnés, que penser des allusions flagrantes aux deutérocanoniques qui se trouvent dans le Nouveau Testament ? En voici quelques exemples…

Le fils de Dieu mis à mort

Le livre de la Sagesse dit :

[Les impies disent :] « Tendons des pièges au juste, puisqu’il nous gêne et qu’il s’oppose à notre conduite. […] Il est devenu un blâme pour nos pensées, sa vue même nous est à charge […] Il proclame heureux le sort final des justes et il se vante d’avoir Dieu pour père. Voyons si ses dires sont vrais, expérimentons ce qu’il en sera de sa fin. Car si le juste est fils de Dieu, Il l’assistera et le délivrera des mains de ses adversaires. […] Condamnons-le à une mort honteuse, puisque, d’après ses dires, il sera visité. »

Ca vous rappelle quelque chose ?

« Les principaux sacrificateurs, avec les scribes et les anciens, se moquaient aussi de lui, et disaient: Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même ! S’il est roi d’Israël, qu’il descende de la croix, et nous croirons en lui. Il s’est confié en Dieu; que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime. Car il a dit : Je suis Fils de Dieu. (Mt 27, 41-43) »

Le passage de la Sagesse est le seul texte de l’Ancien Testament prophétisant que le messie sera tué pour avoir dit « Je suis le Fils de Dieu », et c’est précisément cette parole qui mène Jésus jusqu’à la croix. Ce même livre prophétise en suite la résurrection du juste au chapitre 5, on comprend pourquoi les pharisiens n’en voulaient pas dans leur Bible !

La fête de la lumière

Dans Jean 10,22 Jésus observe la fête de la dédicace du temple (ou fête des lumières) qui est instituée dans 1 Macc 4,59. Cette fête – plus connue aujourd’hui sous le nom de Hannoucca – n’est pas mentionnée dans le proto-canon. Le roi séleucide Antiochos IV Epiphane avait interdit aux juifs de pratiquer leur religion et voulait les forcer à adorer Zeus. La fête célèbre la restauration du temple après la révolte de Judas Maccabée. La restauration est accompagnée du miracle de la fiole d’huile, où une lampe qui n’avait d’huile que pour une journée a brûlé huit jours. C’est pourquoi la fête est également appelée fête des lumières.

Jésus l’observe alors qu’il vient d’annoncer qu’il est la lumière du monde (Jean 8,12-20), puis de guérir un aveugle (en restant dans le thème de la lumière, cf Jean 9,5). Il utilise cette guérison pour fustiger les pharisiens (Jean 9,41) qui ne sont pas aveugles, et qui sont donc coupables de ne pas voir. La fête est dans la continuité de ce discours, non seulement en raison de la lumière, mais aussi parce que Jésus se présente comme le nouveau temple, comme le souligne Intervarsity Press New Testament Comentaries au sujet de ce verset :

A présent, juste à côté du temple, lors d’une fête célébrant la restauration du temple, Jésus donne son enseignement le plus clair quand à son identité. Cette identité est le fondement de son remplacement du temple comme lieu où a lieu le pardon des péchés est disponible et ou Dieu se rencontre. « Le Christ a en fait parfaitement accompli ce que les Maccabées ont accompli en figure, et a consacré un nouveau temple durable. » (Wescott 1908 :2 :64)   [4]

Les martyrs pour la foi

Hébreux 11,35-35 dit : « Des femmes ont vu leurs morts ressusciter pour leur être rendus. D’autres, en revanche, ont été torturés; ils ont refusé d’être délivrés, afin d’obtenir ce qui est meilleur: la résurrection. D’autres encore ont enduré les moqueries, le fouet, ainsi que les chaînes et la prison.» Ce verset fait partie de la longue liste de l’histoire sacrée des témoins de la foi de l’ancienne alliance : Abel, Enoch, Noé, Abraham, Sarah, Isaac, Jacob, Moïse, David, les prophètes… Mais quel témoin de la foi a été torturés et qui meurt dans l’espérance de la résurrection ?

Il y a un seul endroit où une telle scène est racontée, à savoir 2 Maccabées 7 qui met en scène sept frères et leur mère qui refusent de rompre la loi juive, et qui meurent sous les coups de la torture en disant : « Scélérat que tu es, tu nous ôtes la vie présente, mais le Roi de l’univers nous ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mourons pour être fidèles à ses lois. » (2 Macc 7,8-9)

Le lien est aussi linguisitique car le mot grec traduit par « torturé » (tumpanizw) est très particulier, et fait référence au tumpapnon, l’instrument de torture mentionné dans 2 Maccabée 6,28.

Le resplendissement de la Gloire de Dieu

Hébreux 1,3a parle de Jésus comme étant « le resplendissement de sa gloire, effigie de sa substance, ce Fils qui soutient l’univers par sa parole puissante ». Ce verset référence Sagesse 7,26. : « Car [la Sagesse] est un resplendissement de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l’activité de Dieu, une image de sa bonté. » Le terme grec traduit ici par « resplendissement » (aspaugasma) est rare dans la Septante, il n’apparait que dans ce verset de la Sagesse, reliant donc les deux versets, éclairant l’identité du Fils avec la description de la sagesse éternelle.

Ces différentes références des auteurs néotestamentaires aux livres deutérocanoniques sont chargées de sens. On pourrait même dire qu’il « est clair qu’ils les considèrent comme inspirés et canoniques » et « attestent donc l’autorité divine » des « Apocryphes ».

[1] On va considérer comme un seul livre ce qui était regroupé en un seul rouleau dans les Ecritures juives, notamment les douze prophètes mineurs ou les deux livres des Chroniques.

[2] A supposer que ce soit le même : Mt 23,34-36 en fait le fils de Barachiah, alors que celui de 2 Chroniques est identifié comme étant le fils de Jehoaida

[3] C’est-à-dire, avec une formule comme « il est écrit » ou « n’avez-vous pas lu »

[4] https://www.biblegateway.com/resources/commentaries/IVP-NT/John/Jesus-Claims-Messiah-One-God


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